Les Voyages d’intégration africaine et les Ateliers de l’intégration africaine : initiatives des Assomptionnistes en faveur de la jeunesse africaine
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De nationalité camerounaise, Lynda Sibafo est journaliste et correspondante internationale pour le compte d’une chaîne panafricaine au Cameroun. Elle a participé, comme intervenante, aux Ateliers de l’intégration africaine (ATIA) à Abidjan qui se sont déroulés du 31 juillet au 4 août 2019. De retour dans son pays, elle a décidé de mettre ses compétences journalistiques au service de l’intégration africaine en animant une chronique pour le site des Voyages d’intégration africaine (V.I.A). Dans cette première chronique, elle revient sur l’activité d’Abidjan tout en partageant le regard qu’elle porte sur les V.I.A et sur les A.T.I.A
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A Abidjan : fédérer la jeunesse africaine autour du leadership féminin
Ils étaient nombreux, les jeunes africains qui se sont réunis à Abidjan du 31 juillet au 4 août 2019 autour du thème :« leadership féminin et enjeux du vivre-ensemble en Afrique ». En fait, la question du vivre-ensemble est ce qui préoccupe la congrégation des Assomptionnistes dans le beau projet des Voyages d’intégration africaine (V.I.A) qu’ils ont lancé il y a une dizaine d’années à partir du Togo. Ils ont aussi eu la géniale idée de mettre en place, en étroite collaboration avec les jeunes eux-mêmes, une structure juridiquement reconnue, dénommée Réseau de Jeunes pour l’intégration africaine (R.J.I.A), et qui est porteuse de l’organisation de ces Voyages. Commencés en 2009 au Burkina Faso, mais en partant du Togo, les Voyages d’intégration africaine ont eu lieu par la suite successivement au Bénin (2010), au Mali (2011), en Côte d’Ivoire (2012), au Togo (2013), au Sénégal (2015) et au Ghana (2017). A chaque édition, l’occasion a été donnée aux participants, âgés entre 18 et 35 ans, de réfléchir sur une thématique précise en lien avec la question de l’intégration africaine. Citons entre autre la question de la réconciliation, celle de la rencontre des cultures, de la citoyenneté, de la renaissance africaine, de la démocratie, du panafricanisme, etc.
A Abidjan, le R.J.I.A a décidé d’organiser une première édition des Ateliers de l’intégration africaine, faute d’avoir pu réaliser la 8ème édition des V.I.A au Niger, pour des raisons de sécurité. Si en 2012, les jeunes s’étaient réunis à Abidjan sous la thématique de « l’intégration africaine et de la réconciliation », cette fois-ci, c’est le thème du leadership féminin qui a été au cœur des échanges. Plus globalement, le défi était de fédérer la jeunesse africaine autour du leadership féminin, de la formation de la jeunesse, du vivre-ensemble et de l’intégration africaine au service du développement du continent africain.
Des jeunes du continent et de la diaspora, toutes nationalités confondues
Jeunes africains du continent et de la diaspora, ils étaient venus de plusieurs pays, de plusieurs villes, de plusieurs niveaux de formation, de plusieurs confessions religieuses et de sous-régions différentes. Ils ont, en quelques jours, fait l’expérience de vivre et de mener des activités ensemble. Hébergés à la CERAO (Conférence Épiscopale Régionale de l’Afrique de l’Ouest), ils ont mené leurs activités au CERAP (Centre de Recherche et d’Action pour la Paix). Dans cet institut universitaire tenu par les Jésuites, les jeunes hommes et jeunes femmes se sont prêtés à un jeu d’échange dans une dynamique du donner et du recevoir en compagnie de personnes ressources venues elles-mêmes de plusieurs pays telles que :
– Wèrè-Wèrè LIKING (Fondatrice du groupe KI YI M’Bock et de la Fondation panafricaine KI-YI) ;
– Pr David Musa SORO (Directeur du Bureau Ivoirien pour la Promotion de l’Intégration Africaine)
– Agnès KRAIDY (Journaliste, Écrivaine, Présidente du Réseau des femmes journalistes et des professionnelles de la communication de Côte d’Ivoire et Présidente de la Fondation Agir contre les cancers ;
– Fatima DOUMBIA (Docteur en philosophie, Enseignante à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan)
– Ken KAKENA, (Fondateur de Wizall, une start-up qui développe les services digitaux en Afrique)
– Elise OUATTARA (Gestionnaire des ressources humaines et administrateur des hôpitaux)
– Lynda BTUEDEM SIBAFO, (journaliste/correspondante internationale)
– Alice GOZA, (Présidente de l’Association Internationale des Femmes et Jeunes Leaders)
– Raïssa AMEKO, Présidente de (Woman for Young Women’s Association)
– Juliette BAKYONO, (présidente de l’initiative Pananetugri pour le Bien-être de la Femme)
– Berthe YABAH, (Juriste, Spécialiste en Résolution des conflits, Directrice de Cabinet de la Chambre Nationale des Rois et Chefs Traditionnels de Côte d’Ivoire)
– Nathalie KONÉ TRAORÉ; (Juriste, experte genre – droits de l’homme – leadership- développement personnel et féministe)
– Raïssa DAKOUO, (activiste dans la lutte contre les violences faites aux femmes)
– Myriam KALIDANSE, (responsables des opérations au sein de l’association HIDAYA)
– Iden LIDA et Andréa MBUYAMBA, (co-fondatrices du projet « Panafrican stories »)
Les enjeux de l’unité africaine : le rôle particulier de la femme
A entendre les uns et les autres, au-delà des discours politiques et politisés, l’heure d’une union africaine, qui serait l’outil privilégié du développement du continent et d’une intégration des Africains d’Afrique et de la diaspora, semble plus que pressante. Tous pour un – dirait-on – afin d’organiser l’unité continentale comme garantie de développement, de paix et de stabilité. De fait, qui mieux que les Africains pour parler de sujets qui concernent les Africains ? Et encore plus les africaines ? Le leadership qui a été une des thématiques centrales ne pouvait donc pas s’envisager sans lien avec la question du genre, et donc aussi en lien avec la question de la parité homme-femme. D’aucuns souhaiteraient que, de manière effective, les femmes occupent des postes de responsabilité autant que les hommes ; d’autres affirment que dans tous les cas, la femme est la mère de l’humanité. Que ce soit des perceptions fondées sur la science, sur la sociologie ou sur l’anthropologie, ce qui paraît évident pour tous, c’est que la femme est celle qui donne la vie. Et, si on l’aborde du côté des religions, la femme constitue une figure chargée de symboles, même si dans la réalité on ne lui donne pas toujours la place qui sied. Les catholiques voient en la figure de Marie, la mère de Dieu, celle qui a enfanté Jésus le Sauveur de l’humanité. Et dans la Bible, il y a des figures féminines éminentes telles que Sarah, Rébecca, Rahab, Ruth et bien d’autres.
Dans les sociétés africaines, la journée internationale de la femme est célébrée chaque année le 8 mars avec beaucoup d’engouement. Le constat est là : un peu partout, les femmes ont franchi le « plafond de verre », ainsi que des barrières qui étaient de nature à limiter leur ascension vers les plus hauts sommets du pouvoir. Finalement, dans les rapports humains (notamment entre femmes et hommes) ce qui importe, c’est de vivre, avec la plus grande justesse, le vivre-ensemble. Dans ce sens, il faut réentendre Martin Luther King nous dire : « nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots ».
Le vivre-ensemble : une passion pour les Assomptionnistes
Ici et là, le vivre ensemble a été reconnu comme un des principaux enjeux mondiaux urbains. Les débats sur le vivre ensemble trouvent leur pertinence aujourd’hui, car il y a une demande toujours plus grande de justice entre les peuples et entre les individus. Comme a pu l’écrire Jean-Paul Sagadou (religieux assomptionniste et initiateur des Voyages d’intégration africaine et des Ateliers de l’intégration africaine), dans une certaine mesure « la question du vivre-ensemble mobilise les États, les religions et la société civile. Au fond, vivre-ensemble, implique la question de la constitution du soi dans le rapport à l’autre. D’un point de vue de l’histoire, chez les jeunes africains, le problème est psychologique : l’esclavage et la colonisation (le passé qui ne passe pas), ont contribué à créer une sorte de mésestime de soi qui complexifie le rapport à l’autre ». Le concept Ubuntu (je suis parce que nous sommes) des peuples Bantu est finalement le paradigme le plus puissant que le R.J.I.A, sous les bons offices des Assomptionnistes, et avec l’énergie stimulante du Père Jean-Paul Sagadou, cherche à communiquer à la jeunesse africaine et, partant, au monde entier. En tout cas, ce que font les Assomptionnistes est un petit bon pas dans le projet de l’unité africaine (d’ailleurs les Assomptionnistes ne définissent-t-ils pas comme des hommes de communion dans un monde divisé ?), et un grand pas dans l’équilibre des relations à la fois interpersonnelles, interétatiques et internationales.
Parce qu’adhérant aux idéaux les plus nobles du panafricanisme, les jeunes qui se sont réunis à Abidjan dans le cadre des Ateliers de l’intégration africaine, devraient se réapproprier l’appel de Kwame Nkrumah à l’unité africaine. Son « Africa must unite » devrait continuer à mobiliser les énergies de la jeunesse africaine. En tout cas, pour le Père Sagadou, « le panafricanisme n’a pas qu’un contenu idéologique critique, il a un contenu constructif. Le contenu objectif de la doctrine du panafricanisme est positif et non négatif, ce qui signifie que le panafricanisme n’est pas une théorie de la destruction, mais de la construction d’un vivre-ensemble pacifique dans lequel l’africain pourrait s’épanouir… Le panafricanisme est une doctrine dont le centre est en soi, c’est-à-dire une doctrine d’hommes libres conscients de leur liberté et conscients du fait que cette prise de conscience doit prendre corps dans la réalité… Le panafricanisme est une théorie de l’ouverture et non de la fermeture » (Rapport Général de la 7ème édition des VIA, Ghana 2017).
Si l’union fait la force, celle des africains, pour les africains et par les africains, semble être la voie salutaire pour faire de l’Afrique, à travers le panafricanisme, un acteur incontournable dans la marche du monde.
Lynda Sibafo
Journaliste/Cameroun