2020 mai

27 mai 2020
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Se former au panafricanisme.

 Jean-Paul est l’initiateur des Voyages d’Intégration Africaine (V.I.A). Depuis une dizaine d’années, il travaille à donner à la jeunesse africaine la possibilité de participer à la construction d’une Afrique nouvelle par des rencontres interculturelles et interreligieuses d’intégration africaine. Dans cette chronique, il est en quête les leçons du covid-19 pour la jeunesse africaine.

Réactiver le rêve africain, pour les jeunes, c’est se former au panafricanisme. Il faut inviter la jeunesse africaine à parcourir l’histoire et à prendre conscience que les luttes les plus réussies ont été celles qui remettaient en cause la manière dont les Africains ont été définis et regroupés par la mémoire européenne colonisatrice[1]. Initialement pensé par des intellectuels africains de la diaspora, puis nourrie par les idées d’Africains continentaux, le panafricanisme se veut une réponse politique aux divisions européennes de l’Afrique. Marcus Garvey, Edward Wilmot Blyden, Henry Sylvester-Williams, Amy Ashwood Garvey, W.E.B. Du Bois, C.L.R. James, Kwame Nkrumah, Georges Padmore, Frantz Fanon et beaucoup d’autres hommes et femmes ont rêvé et imaginé une Afrique unie qui aura sa lumière et sa puissance propres. Ils envisageaient une Afrique sans frontières intérieures, une Afrique qui jouerait son rôle légitime dans la communauté des nations sans complexe. Quand Kwame Nkrumah a eu la lumineuse idée de lancer son « Africa must unite »[2], il y avait chez lui une inspiration, une vision et une volonté politique qui ont fait marcher de nombreux jeunes de son époque[3]. En même temps, certains hommes politiques, à l’époque de Nkrumah, ne voulaient pas de l’unité africaine. Et voilà où nous en sommes : 60 ans après les indépendances, l’Afrique reste un continent émietté, délabré, divisé, sous-développé. 60 ans après les indépendances, les africains s’accordent sur leurs problèmes, mais ils continuent de se battre sur la manière de les résoudre.

En fait, le panafricanisme réclame un peuple de convaincus loyaux et dévoués pour illuminer l’humanité. Sans une jeunesse convaincue, l’idéologie panafricaniste restera théorique. Cheikh Anta Diop dit même que nous avons un devoir à accomplir à l’égard de l’Europe : l’aider à guérir des vieilles habitudes contractées par suite de l’exercice du colonialisme. Chaque jeune africain doit exceller dans tout ce qu’il fait pour devenir une personne complète, autonome et artisan du panafricanisme en poussant systématiquement son potentiel humain, intellectuel, matériel et spirituel au maximum. Il convient donc que chacun étudie sans cesse, s’autocritique et se corrige sans cesse. Nous devrons être des relais intelligents et pratiques du panafricanisme. L’excellence doit être notre ambition. Elle est la clé de voûte du panafricanisme. En tout état de cause, ne perdons pas la mémoire de l’histoire. Un peuple sans mémoire ni instruction adéquate se condamne à subir des maux subits dans le passé. En fait, ainsi que l’écrivent le Collectifs d’intellectuels de différents pays d’Afrique dans leur interpellation aux dirigeants du continent africain face à la pandémie du Covid-19, « le panafricanisme [aussi] a besoin d’un nouveau souffle. Il doit retrouver son inspiration originelle après des décennies d’errements. Si les progrès en matière d’intégration du continent ont été faibles jusque-là, la raison est que celle-ci n’a été conçue que sur la base de la seule « doxa » du libéralisme économique. Or, la pandémie du coronavirus montre tristement l’insuffisance de la réponse collective du continent autant sur le volet sanitaire qu’ailleurs. Plus que jamais, nous sommes placés devant la nécessité d’une gestion concertée et intégrée de domaines relatifs à la santé publique, à la recherche fondamentale dans toutes les disciplines scientifiques et aux politiques sociales »[4].

Dans le renouveau du panafricanisme, le rôle de la jeunesse doit être déterminant. Le panafricanisme n’a pas le droit d’échouer. Finalement, si la révolte de la jeunesse africaine, que l’on observe ici et là, ne s’accompagne pas de la plus profonde connaissance de soi et de l’histoire de l’Afrique, cela ne vaut pas la peine. L’urgence africaine est aussi de ce côté-là : que les jeunes africains deviennent des « poètes » pour l’Afrique.

 

Jean-Paul Sagadou

Initiateur des V.I.A

[1] Cf. Ngugi Wa Thiong’o, Pour une Afrique libre, Philippe Rey, Paris, 2017, p. 65.

[2] Kwame Nkrumah, L’Afrique doit s’unir, Présence africaine, 1994.

[3] Cf. Joseph KI-ZERBO, A quand l’Afrique, op. cit, p. 16.

[4] Cf. https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/130420/aux-dirigeants-du-continent-africain-face-au-covid-19-il-est-temps-dagir


23 mai 2020
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Assumer le rêve éveillé de Kwame Nkrumah

Jean-Paul est l’initiateur des Voyages d’Intégration Africaine (V.I.A). Depuis une dizaine d’années, il travaille à donner à la jeunesse africaine la possibilité de participer à la construction d’une Afrique nouvelle par des rencontres interculturelles et interreligieuses d’intégration africaine. Dans cette chronique, il est en quête les leçons du covid-19 pour la jeunesse africaine.

 

« Nkrumah ou le rêve éveillé », est le titre que le professeur Stanislas Adotevi donne à un texte publié en 1973 dans la revue Présence Africaine[1]. Dans ce texte, ce philosophe et homme politique béninois situe Nkrumah entre Lawrence d’Arabie et Machiavel. D’après lui, le premier définit le rêve de Nkrumah et le second explique, par sa tension dramatique, la solitude tragique d’un homme pour qui la domination étrangère a été un scandale intolérable. Ce faisant, Adotevi rapproche Nkrumah de Machiavel. Pour lui, l’auteur du Prince a été, en quelque sorte, le créateur d’un mythe, non pas mystique, mais d’une réalité appelée à se transformer. Pour Stanislas Adotevi, Machiavel est l’auteur d’un discours qui cherche les moyens et qui donne les moyens de sortir d’une situation donnée. Pour lui, le mythe, chez Machiavel, est l’expression dramatique d’une pensée non théorique qui vise à susciter chez un peuple déchiré, écrasé et pulvérisé une conscience collective.

Stanislas Adotevi rapproche aussi Nkrumah de Lawrence d’Arabie. Celui-ci, dans son livre les Sept piliers de la sagesse, écrit : « Tous les hommes rêvent, mais pas également. Ceux qui rêvent la nuit, dans les replis poussiéreux de leur pensée, s’éveillent le jour et rêvent que c’était vanité. Mais les rêveurs de jour sont les hommes dangereux, car ils peuvent agir leur rêve les yeux ouverts, pour les rendre possibles. » On peut aisément appliquer ces mots à Nkrumah, l’auteur de L’Afrique doit s’unir.  Et Adotevi d’écrire, « Le rêve éveillé de Nkrumah, poursuivi les yeux ouverts pendant 63 ans, n’est que le rêve d’une Afrique libérée des phantasmes du passé et du présent ; forte, à la mesure d’elle-même, se donnant à elle-même sa propre loi ; encore rien, mais riche de tous les possibles ; qui peut et doit se faire. Nkrumah veut aller très loin. Il veut affirmer le pouvoir que détient l’homme africain, l’homme noir, par son intelligence et sa souffrance, de maîtriser le jeu aveugle des forces de domination coloniale ».

Pour assumer le rêve de Nkrumah, la jeunesse africaine doit commencer par la connaissance de la pensée de celui qui fut l’architecte d’un changement social au Ghana. Il faut lire ses œuvres, depuis l’Autobiographie, l’Afrique doit s’unir, jusqu’à celui intitulé le néo-colonialisme stade suprême de l’impérialisme, en passant par Le consciencisme. Une des paroles les plus fortes que Nkrumah laisse à la jeunesse africaine est sans doute celle-ci : « Divisés, nous sommes faibles ; unie, l’Afrique pourrait devenir et pour de bon, une des plus grandes forces de ce monde. Je suis profondément et sincèrement persuadé qu’avec notre sagesse ancestrale et notre dignité, notre respect inné pour la vie humaine, l’intense humanité qui est notre héritage, la race africaine, unie sous un gouvernement fédéral, émergera non pas comme un énième bloc prompt à étaler sa richesse et sa force, mais comme une grande force dont la grandeur est indestructible parce qu’elle est bâtie non pas sur la terreur, l’envie et la suspicion, ni gagnée aux dépend des autres, mais basée sur l’espoir, la confiance, l’amitié et dirigée pour le bien de toute l’humanité. »[2]. Réactiver le rêve africain, c’est se former au panafricanisme.

 

Jean-Paul Sagadou

Initiateur des V.I.A

[1] Présence Africaine, n° 85, 1973, pp.11 – 24

[2] Kwame Nkrumah, I Speak of Freedom: A Statement of African Ideology, London: William Heinemann Ltd., 1961.


20 mai 2020
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[Réactiver le rêve africain] : L’unité de l’Afrique : un rêve possible.

 Jean-Paul Sagadou est l’initiateur des Voyages d’Intégration Africaine (V.I.A). Depuis une dizaine d’années, il travaille à donner à la jeunesse africaine la possibilité de participer à la construction d’une Afrique nouvelle par des rencontres interculturelles et interreligieuses d’intégration africaine. Dans cette chronique, il est en quête les leçons du covid-19 pour la jeunesse africaine.

 

Dans son livre Pour une Afrique libre[1], l’écrivain Kenya Ngugi Wa Thiong’o, écrit que « notre monde actuel doit beaucoup à ceux qui ont rêvé ». L’unité de l’Afrique n’est pas un rêve impossible. Au contraire, les « rêves ont toujours dressé un tableau du possible idéal. Dans notre imagination, nous dessinons les lignes d’un avenir, puis nous tentons de le réaliser »[2]. Il semble qu’à l’époque où quelques humains ont commencé à concevoir l’idée de voler, ils ont été qualifiés de rêveurs, pas de réalistes. Mais ils ont continué à rêver et à essayer. De même, il semble qu’au moment de l’esclavage, dans les plantations, ceux qui parlaient de liberté étaient considérés comme des rêveurs. Mais ils n’ont pas cessé de rêver et d’essayer de réaliser leur rêve. Il en va de même pour les rêveurs de la résistance anticoloniale, qui ont continué à imaginer la victoire et à œuvrer dans sa direction. Il n’est pas vain de rêver que « le temps viendra où nos fraternités se donneront une appellation pacifiée, affranchie du regard des oppresseurs »[3].

Sur cette question de l’unité africaine, l’écrivaine Léonora Miano, écrit : « J’ai ce rêve depuis toujours d’une Afrique unifiée »[4]. Pour elle, « l’unité de l’Afrique est un rêve qu’ont les Africains et certains Afrodescendants depuis longtemps »[5]. Ce rêve l’a toujours habité et tout récemment elle a partagé ce rêve dans un roman intitulé Rouge impératrice. Rouge impératrice  est un roman d’anticipation où Léonora Miano prend sur elle la belle idée de créer des personnages qui incarnent des idéaux dans une Afrique souveraine. Le roman est nourri de légendes africaines, de mots africains où se laisse envisager une Afrique en train de s’inventer elle-même. Rouge impératrice, « c’est le rêve que nous faisons avant de commencer à penser notre avenir. Puisqu’on parle beaucoup, notamment au sein de la jeunesse africaine, de panafricanisme, le roman fournit un peu matière à réflexion : à quoi pourrait ressembler un avenir plus glorieux ? Est-ce que le panafricanisme est faisable ? En racontant une histoire et en plaçant des personnages en situation, on arrive à voir comment on peut procéder. C’est un roman qui fait du bien, tout en bousculant »[6].

Léonora Miano rêve d’un continent africain unifié sous le nom « décolonial » de Katiopa.  L’intelligence et le cœur sont dilatés à la lecture de ce qu’elle écrit : « Les peuples caressaient secrètement le rêve de l’unité qu’avaient porté leurs aïeux, mais beaucoup s’étaient résolus à ce qu’il ne soit jamais réalisé. Ceux qui les avaient précédés ne leur avaient laissés que des noms, des figures de grands défunts à vénérer. Ils ne leur avaient pas enseigné ce que Ntambawe et les membres de l’Alliance leur apprendraient : que la mémoire ne servait à rien si l’on ne savait en faire un socle pour bâtir le futur, que la souveraineté ne serait d’aucune utilité si elle ne prenait pas appui sur la puissance »[7]. Le Katiopa doit travailler « à son élévation, à son épanouissement. Ne plus laisser les autres apporter des solutions toutes faites à des problèmes qu’il n’avait même pas eu le temps de se poser »[8]. Pour Leonora Miano, « Les solutions fédéralistes sont les plus positives, parce que ce sont celles qui nous mettent tout de suite dans l’obligation de prendre en compte les besoins des autres et de considérer que nous sommes tous dans le même bateau »[9]. Pour elle, les États hérités de la colonisation, sont des fabrications européennes, qui ont imposé une conception de la nation qui n’est pas en adéquation avec la sensibilité subsaharienne. Même seulement à l’échelle régionale, avec par exemple une fédération d’Afrique de l’Ouest ou d’Afrique de l’Est, le fédéralisme sera de toute façon toujours plus pertinent pour nous, dans tous les domaines, laisse-t-elle entendre.

A leur manière, chacun de ces écrivains, Ngugi Wa Thiong’o d’un côté et Léonora Miano de l’autre, essaient d’assumer l’héritage du rêve de Kwame Nkrumah, et c’est dans cette dynamique qu’il faut pousser et orienter la jeunesse africaine.

 

Jean-Paul Sagadou

Initiateur des Voyages d’Intégration Africaine (V.I.A)

[1] Ngugi Wa Thiong’o, Pour une Afrique libre, Philippe Rey, Paris, 2017, p. 78.

[2] Idem, p.77.

[3] Léonora MIANO, L’impératif transgressif, L’arche, 2016, p. 103.

[4] https://www.franceculture.fr/emissions/le-reveil-culturel/leonora-miano-jai-ce-reve-depuis-toujours-dune-afrique-unifiee

[5] https://www.iz3w.org/zeitschrift/ausgaben/377_mode/miano_original/ consulté le 27/04/20 à 9h30

[6] https://www.iz3w.org/zeitschrift/ausgaben/377_mode/miano_original/ consulté le 27/04/20 à 9h30

[7] Léonora MIANO, Rouge impératrice, Grasset, Paris, 2019, p. 78.

[8] Idem, p. 90.

[9] https://www.iz3w.org/zeitschrift/ausgaben/377_mode/miano_original/ consulté le 27/04/20 à 9h30


13 mai 2020
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 [Réactiver le rêve africain] : Ouvrir de nouvelles perspectives pour l’Afrique.

 Jean-Paul est religieux assomptionniste. Il est l’initiateur des Voyages d’Intégration Africaine (V.I.A). Depuis une dizaine d’années, il travaille à donner à la jeunesse africaine la possibilité de participer à la construction d’une Afrique nouvelle par des rencontres interculturelles et interreligieuses d’intégration africaine. Dans cette chronique, il est en quête les leçons du covid-19 pour la jeunesse africaine.

 

Les espoirs et les attentes des jeunes africains ne seront comblés qu’au cœur d’une Afrique unie, forte, réconciliée, libérée de ses identités meurtrières et nourrie par le dialogue pacifique de ses identités multiples. L’intégration africaine est un instrument essentiel pour l’avenir de l’Afrique. Ces dernières années, de nombreux intellectuels africains l’ont affirmé fortement : la constitution des États-Unis d’Afrique est la seule voie qui ouvre des perspectives nouvelles pour le continent. L’intégration africaine est perçue comme la seule réponse convaincante au défi de la mondialisation ultralibérale et la planche de salut la plus sûre pour le continent africain.

Pour Joseph Ki-Zerbo, « l’option panafricaniste, aujourd’hui comme hier, demeure incontournable »[1]. Dans son Appel à la Jeunesse Africaine, Théophile Obenga affirme que « le futur de l’Afrique est panafricain, uniquement panafricain, toujours panafricain (…) Réanimer et revivre l’identité politique panafricaine, à travers les intégrations régionales et continentales, est le parcours adéquat vers le développement »[2]. Pour Cheikh Hamidou Kane, « L’Afrique doit s’unir, réellement, véritablement, rapidement, mettre en commun ses ressources humaines, au premier rang desquelles sa jeunesse, et ses ressources matérielles, parmi les plus considérables et les plus convoitées de la planète»[3]. Pour Edem Kodjo, « il n’y a pas d’avenir pour l’Afrique sans le panafricanisme et il ne saurait y avoir de renaissance véritable sans ressourcement au vin fort du panafricanisme »[4]. Pour Amzat Boukari-Yabara, « l’histoire du panafricanisme donne des clés pour comprendre, et parfois résoudre, les questions et les problèmes qui se posent à l’Afrique et que se posent les Africains »[5].  Plus récemment encore, au colloque « Penser et écrire l’Afrique », au Collège de France à Paris, l’historien et politologue camerounais, Achille Mbembe demandait que nous travaillions « à ouvrir l’Afrique à elle-même » en faisant de ce vaste continent un espace de circulation. Plus précisément, pour lui, « Il faut récupérer dans l’histoire précoloniale du continent la notion de transnationalité, retrouver cette circulation qui existait autrefois à travers les empires caravaniers et le commerce à longue distance. Il faudrait arriver à l’abolition des frontières héritées de la colonisation, car nul ne veut des Africains ailleurs »[6].

Fondamentalement, le projet d’une fédération continentale africaine doit mobiliser les énergies des jeunes africains. Le projet d’une Afrique unie peut paraître utopique pour certains. Mais, « l’utopie panafricaine est salutaire. Étant politique, elle peut devenir réalité demain »[7]. Il y a vraiment nécessité et urgence à éveiller chez les jeunes africains tous les sentiments qui leur permettent de participer à la construction d’une Afrique unie, parce que c’est notre intérêt de travailler à l’émergence d’une Afrique unie, politiquement stable, économiquement forte et raisonnablement gouvernée. L’enjeu est tellement important que nous devrions travailler tous pour que se mette en place la seule voie qui ouvre des perspectives nouvelles pour le continent, celle de la constitution des États-Unis d’Afrique noire. Le rendez-vous de l’histoire avec l’Afrique ne saurait exister sans la jeunesse africaine. Avec elle, nous pouvons rêver du possible.

Jean-Paul Sagadou

Initiateur des Voyages d’intégration africaine (V.I.A)

 

[1] Joseph KI-ZERBO, Repères pour l’Afrique, Ed. Panafrika/Slex/Nouvelles du Sud, Dakar, 2007, p. 180.

[2] Théophile OBENGA, Appel à la jeunesse africaine, éd. Ccinia communication, 2007, p. 73.

[3] Cf. Cheikh Hamidou KANE, Préface au livre de Aminata TRAORE, L’Afrique humiliée, Fayard, Paris, 2008, p. 18-19.

[4]Edem KODJO, Panafricanisme et Renaissance africaine, Ed. Graines de Pensées, Lomé, 2013, p. 7.

[5]Amzat BOUKARI-YABARA, Africa Unite! Une histoire du panafricanisme, Ed. La découverte, Paris, 2014, p. 286-287.

[6] Cf. Le Point Afrique – Publié le 05/05/2016 à 16:13 – Modifié le 05/05/2016 à 18:03

[7] Théophile OBENGA, op.cit., p. 104.


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[Réactiver le rêve africain] : Sortir du « confinement » mimétique.

Jean-Paul est religieux assomptionniste. Il est l’initiateur des Voyages d’Intégration Africaine (V.I.A). Depuis une dizaine d’années, il travaille à donner à la jeunesse africaine la possibilité de participer à la construction d’une Afrique nouvelle par des rencontres interculturelles et interreligieuses d’intégration africaine. Dans cette chronique, il est en quête les leçons du covid-19 pour la jeunesse africaine.

 

Tous le reconnaissent : nous traversons une crise sanitaire qui va avoir des conséquences graves sur l’économie de nos pays. Vu d’Afrique, ce qui devrait nous préoccuper, c’est la figure que prendra le continent africain, demain. En tout cas, le Covid-19 nous aura rappeler les énormes défis que l’Afrique doit relever dans les domaines de la santé et de l’éducation. Sur ces deux problématiques, comme sur bien d’autres, aucun pays africain ne peut s’en sortir tout seul.  Au contraire, le domaine de la santé et de l’éducation sont des lieux de mutualisation de nos forces. « L’énorme patrimoine culturel et traditionnel d’où est issue la pharmacopée africaine devrait être davantage mobilisé, mutualisé, panafricanisé, en association avec la médecine et les recherches dites modernes »[1]. Les pays africains feraient mieux d’unir leurs forces pour créer des hôpitaux régionaux, voir panafricains, à la taille des besoins du continent, en intégrant les manières africaines d’habiter le monde. Il est urgent que les Africains réalisent des projets de recherche conséquents dans le domaine de la médecine et on sait que cela passera par l’éducation. La création d’universités panafricaines pour mieux nous « armer de sciences » est indispensable. Nous avons besoin d’universités décolonisées qui prennent en compte les savoirs endogènes, les imaginaires et les symboles africains. Depuis le XVI° siècle jusqu’à nos jours, écrit Joseph Ki-Zerbo, l’Afrique a été inhibée. Elle a été confinée à l’imitation, à la consommation des inventions d’autrui[2]. Ce qu’il convient, c’est qu’après le covid-19, l’Afrique redevienne le lieu des possibles, le lieu des inventions, de la créativité, «  car d’Afrique aussi doivent surgir les savoirs dont le monde d’aujourd’hui a besoin »[3]. En tout cas, c’est l’appel qui nous est lancé par certains intellectuels africains : « Plutôt que de subir et tendre la main à nouveau en attendant meilleure fortune, il serait d’ores et déjà souhaitable de repenser notre vivre ensemble en partant de nos contextes spécifiques et des ressources diverses que nous avons »[4].

Comment s’y prendre ? Eh bien, il faut réunir les conditions. La première chose à faire, c’est d’unir le continent. Elle ne ment pas, la sagesse qui enseigne que « l’union fait la force ». Et il faut garder en mémoire la leçon de Joseph Ki-Zerbo : « on ne développe pas, on se développe ». Or, se développer, c’est tirer de soi-même les éléments de son propre développement.  Il faut mettre fin au processus du « développement octroyé » et passer à la dynamique de l’auto-développement. La condition de l’invention, tout comme la voie du développement, se trouve dans l’unité de l’Afrique. Bien plus, la première condition pour un vrai développement, c’est l’espace africain de développement. Car, «il y a un espace économique minimal sans lequel il n’y aura jamais de développement fondamental dans nos pays. Il n’ y a pas d’avenir pour l’Afrique en dehors de l’intégration à tous les niveaux, y compris, dans la recherche scientifique »[5]. Il nous faudra donc quitter le « confinement » dans lequel la conférence de Berlin nous a enfermés depuis 1884. On ne peut pas réaliser le développement dans le cadre de petits pays[6]. Le développement de l’Afrique sera interafricain, panafricain ou ne sera pas. Le covid-19 nous enseigne à mettre en pratique le conseil que Frantz Fanon donne dans la conclusion des Damnés de la terre : « Décidons de ne pas imiter l’Europe, écrit-il, et bandons nos muscles et nos cerveaux dans une direction nouvelle. Tâchons d’inventer l’homme total que l’Europe a été incapable de faire triompher »[7]. Cette voie est celle qui permettra d’ouvrir de nouvelles perspectives pour les jeunes générations.

 

Jean-Paul Sagadou

Initiateur des Voyages d’intégration africaine (V.I.A)

 

[1] Cf. https://blogs.mediapart.fr/charles-kabango/blog/110420/les-intellectuels-africains-sexpriment-sur-le-coronavirus

[2] Joseph KI-ZERBO, A quand l’Afrique ? Editions d’en bas, Lausanne, 2013, p. 110.

[3] Jean-Marc ELA, L’Afrique à l’ère du savoir.  Science, société et pouvoir, L’Harmattan, Paris, 2006, p. 243.

[4] Cf. https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/130420/aux-dirigeants-du-continent-africain-face-au-covid-19-il-est-temps-dagir

[5] Joseph KI-ZERBO, A quand l’Afrique ?, op. cit., p. 189.

[6] Idem, p. 214.

[7] Frantz FANON, Les Damnés de la terre, Paris, la Découverte, 2002, p. 302-305.


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[Réactiver le rêve africain] : Favoriser la naissance de grands rêves.

Jean-Paul est religieux assomptionniste. Il est l’initiateur des Voyages d’Intégration Africaine (V.I.A). Depuis une dizaine d’années, il travaille à donner à la jeunesse africaine la possibilité de participer à la construction d’une Afrique nouvelle par des rencontres interculturelles et interreligieuses d’intégration africaine. Dans cette chronique, il est en quête les leçons du covid-19 pour la jeunesse africaine.

 

Rêver du « possible » et des « possibles » avec et pour la jeunesse africaine : telle est l’ambition de cette réflexion. Si les sociétés africaines dans lesquelles nous vivons, malgré leurs multiples difficultés, ne sont plus « tirées en avant » par une valorisation de l’avenir, alors elles seront tout ce que les jeunes redoutent : des sociétés sans promesse et sans espérance.

Certes, plus de 60 ans après les indépendances africaines, le « monde s’effondre » toujours autour de la jeunesse africaine. Face à la négligence des gouvernements et à l’absence de politiques publiques en Afrique au service de l’emploi des jeunes, les jeunes tentent d’inventer, vainement, leur vie. C’est aussi en ce moment-là que le coronavirus vient s’introduire dans nos existences instaurant, pour ainsi dire, une sorte de cassure entre le passé et le futur.

Événement imprévu, cette pandémie est venue remettre à l’ordre du jour les rapports asymétriques entre l’Afrique et le reste du monde. « Confinée » dans sa pauvreté, l’Afrique se voit adressée des discours et des déclarations politiquement, économiquement et humainement condescendants et indécents. On peut donc légitimement se poser la question : A quand le « déconfinement » du regard de l’Europe sur l’Afrique ? Tout dépendra, peut-être, du regard que l’Afrique portera sur elle-même. Continent ayant connu tous les attentats possibles à la vie, l’Afrique veut cesser de marcher courbée. Elle veut se mettre débout. Elle pense que le possible est possible pour elle.  Et ce possible, elle veut le penser en lien avec l’imagination, le rêve et l’utopie, avec l’ambition d’inscrire « le non-encore dans son histoire et de laisser le possible apparaître comme le surgissement du Novum (nouveau) dans le réel[1].

A l’heure du covid-19, c’est le choix qu’il faut faire : rêver que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Nous devons favoriser la naissance de « grands rêves »[2] dans l’esprit des jeunes africains, des rêves qui permettent de se donner des lignes d’horizons, de savoir s’orienter, de savoir où aller, de savoir quel chemin emprunter pour se retrouver soi-même et atteindre le but qu’on s’est fixé. Pour ce faire, il faudra sortir du « confinement » mimétique dans lequel nous sommes depuis de nombreuses années, il faut ouvrir de nouvelles perspectives pour l’Afrique, rêver de l’unité africaine en assumant en particulier le rêve de Nkrumah, en se formant au panafricanisme pour devenir des poètes de l’unité africaine.

[1] Cf. Jean Godefroy BIDIMA, Théorie Critique et modernité négro-africaine. De l’École de Francfort à la Docta spes africana, publication de la Sorbonne, Paris, 1993, p. 15.

[2] Tanella BONI, « Des jeunes en quête d’avenir », in 50 ans après quelle indépendance pour l’Afrique, éd. Philippe Rey, Paris, 2010, p. 67.

 



Conditions de participation

– Etre âgé (e) de 20 à 40 ans.
– Vouloir vivre une expérience humaine, interculturelle, inter-religieuse et panafricaine.


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