[La chronique de Jean-Paul Sagadou] – Réactiver le rêve africain : Leçons du Covid-19 pour la jeunesse africaine
[Réactiver le rêve africain] : Favoriser la naissance de grands rêves.
Jean-Paul est religieux assomptionniste. Il est l’initiateur des Voyages d’Intégration Africaine (V.I.A). Depuis une dizaine d’années, il travaille à donner à la jeunesse africaine la possibilité de participer à la construction d’une Afrique nouvelle par des rencontres interculturelles et interreligieuses d’intégration africaine. Dans cette chronique, il est en quête les leçons du covid-19 pour la jeunesse africaine.
Rêver du « possible » et des « possibles » avec et pour la jeunesse africaine : telle est l’ambition de cette réflexion. Si les sociétés africaines dans lesquelles nous vivons, malgré leurs multiples difficultés, ne sont plus « tirées en avant » par une valorisation de l’avenir, alors elles seront tout ce que les jeunes redoutent : des sociétés sans promesse et sans espérance.
Certes, plus de 60 ans après les indépendances africaines, le « monde s’effondre » toujours autour de la jeunesse africaine. Face à la négligence des gouvernements et à l’absence de politiques publiques en Afrique au service de l’emploi des jeunes, les jeunes tentent d’inventer, vainement, leur vie. C’est aussi en ce moment-là que le coronavirus vient s’introduire dans nos existences instaurant, pour ainsi dire, une sorte de cassure entre le passé et le futur.
Événement imprévu, cette pandémie est venue remettre à l’ordre du jour les rapports asymétriques entre l’Afrique et le reste du monde. « Confinée » dans sa pauvreté, l’Afrique se voit adressée des discours et des déclarations politiquement, économiquement et humainement condescendants et indécents. On peut donc légitimement se poser la question : A quand le « déconfinement » du regard de l’Europe sur l’Afrique ? Tout dépendra, peut-être, du regard que l’Afrique portera sur elle-même. Continent ayant connu tous les attentats possibles à la vie, l’Afrique veut cesser de marcher courbée. Elle veut se mettre débout. Elle pense que le possible est possible pour elle. Et ce possible, elle veut le penser en lien avec l’imagination, le rêve et l’utopie, avec l’ambition d’inscrire « le non-encore dans son histoire et de laisser le possible apparaître comme le surgissement du Novum (nouveau) dans le réel[1].
A l’heure du covid-19, c’est le choix qu’il faut faire : rêver que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Nous devons favoriser la naissance de « grands rêves »[2] dans l’esprit des jeunes africains, des rêves qui permettent de se donner des lignes d’horizons, de savoir s’orienter, de savoir où aller, de savoir quel chemin emprunter pour se retrouver soi-même et atteindre le but qu’on s’est fixé. Pour ce faire, il faudra sortir du « confinement » mimétique dans lequel nous sommes depuis de nombreuses années, il faut ouvrir de nouvelles perspectives pour l’Afrique, rêver de l’unité africaine en assumant en particulier le rêve de Nkrumah, en se formant au panafricanisme pour devenir des poètes de l’unité africaine.
[1] Cf. Jean Godefroy BIDIMA, Théorie Critique et modernité négro-africaine. De l’École de Francfort à la Docta spes africana, publication de la Sorbonne, Paris, 1993, p. 15.
[2] Tanella BONI, « Des jeunes en quête d’avenir », in 50 ans après quelle indépendance pour l’Afrique, éd. Philippe Rey, Paris, 2010, p. 67.