[Réactiver le rêve africain] : Leçons du Covid-19 pour la jeunesse africaine.
Assumer le rêve éveillé de Kwame Nkrumah
Jean-Paul est l’initiateur des Voyages d’Intégration Africaine (V.I.A). Depuis une dizaine d’années, il travaille à donner à la jeunesse africaine la possibilité de participer à la construction d’une Afrique nouvelle par des rencontres interculturelles et interreligieuses d’intégration africaine. Dans cette chronique, il est en quête les leçons du covid-19 pour la jeunesse africaine.
« Nkrumah ou le rêve éveillé », est le titre que le professeur Stanislas Adotevi donne à un texte publié en 1973 dans la revue Présence Africaine[1]. Dans ce texte, ce philosophe et homme politique béninois situe Nkrumah entre Lawrence d’Arabie et Machiavel. D’après lui, le premier définit le rêve de Nkrumah et le second explique, par sa tension dramatique, la solitude tragique d’un homme pour qui la domination étrangère a été un scandale intolérable. Ce faisant, Adotevi rapproche Nkrumah de Machiavel. Pour lui, l’auteur du Prince a été, en quelque sorte, le créateur d’un mythe, non pas mystique, mais d’une réalité appelée à se transformer. Pour Stanislas Adotevi, Machiavel est l’auteur d’un discours qui cherche les moyens et qui donne les moyens de sortir d’une situation donnée. Pour lui, le mythe, chez Machiavel, est l’expression dramatique d’une pensée non théorique qui vise à susciter chez un peuple déchiré, écrasé et pulvérisé une conscience collective.
Stanislas Adotevi rapproche aussi Nkrumah de Lawrence d’Arabie. Celui-ci, dans son livre les Sept piliers de la sagesse, écrit : « Tous les hommes rêvent, mais pas également. Ceux qui rêvent la nuit, dans les replis poussiéreux de leur pensée, s’éveillent le jour et rêvent que c’était vanité. Mais les rêveurs de jour sont les hommes dangereux, car ils peuvent agir leur rêve les yeux ouverts, pour les rendre possibles. » On peut aisément appliquer ces mots à Nkrumah, l’auteur de L’Afrique doit s’unir. Et Adotevi d’écrire, « Le rêve éveillé de Nkrumah, poursuivi les yeux ouverts pendant 63 ans, n’est que le rêve d’une Afrique libérée des phantasmes du passé et du présent ; forte, à la mesure d’elle-même, se donnant à elle-même sa propre loi ; encore rien, mais riche de tous les possibles ; qui peut et doit se faire. Nkrumah veut aller très loin. Il veut affirmer le pouvoir que détient l’homme africain, l’homme noir, par son intelligence et sa souffrance, de maîtriser le jeu aveugle des forces de domination coloniale ».
Pour assumer le rêve de Nkrumah, la jeunesse africaine doit commencer par la connaissance de la pensée de celui qui fut l’architecte d’un changement social au Ghana. Il faut lire ses œuvres, depuis l’Autobiographie, l’Afrique doit s’unir, jusqu’à celui intitulé le néo-colonialisme stade suprême de l’impérialisme, en passant par Le consciencisme. Une des paroles les plus fortes que Nkrumah laisse à la jeunesse africaine est sans doute celle-ci : « Divisés, nous sommes faibles ; unie, l’Afrique pourrait devenir et pour de bon, une des plus grandes forces de ce monde. Je suis profondément et sincèrement persuadé qu’avec notre sagesse ancestrale et notre dignité, notre respect inné pour la vie humaine, l’intense humanité qui est notre héritage, la race africaine, unie sous un gouvernement fédéral, émergera non pas comme un énième bloc prompt à étaler sa richesse et sa force, mais comme une grande force dont la grandeur est indestructible parce qu’elle est bâtie non pas sur la terreur, l’envie et la suspicion, ni gagnée aux dépend des autres, mais basée sur l’espoir, la confiance, l’amitié et dirigée pour le bien de toute l’humanité. »[2]. Réactiver le rêve africain, c’est se former au panafricanisme.
Jean-Paul Sagadou
Initiateur des V.I.A
[1] Présence Africaine, n° 85, 1973, pp.11 – 24
[2] Kwame Nkrumah, I Speak of Freedom: A Statement of African Ideology, London: William Heinemann Ltd., 1961.
One comment
Ouoba awa
24 mai 2020 at 7 h 39 min
Participer d utiliser les reaction a bon escient